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Trois Coccinelles

Sauvée in extrémis

6 Janvier 2012, 13:22pm

Publié par Trois Coccinelles

 

 

Mais qu’est-ce que tu es venue faire dans mon évier pendant que je fais la vaisselle ? Je ne t’avais pas reconnue d’emblée, je te prenais pour un bout de je ne sais pas – une miette de pain, un petit restant de légume ou de salade - que sais-je encore ? J’étais déjà prête à te pousser avec ma brosse vers la grille d’évacuation lorsque j’ai vu que tu bouges ! Une mouche ? Un cafard ? Non, je n’en ai jamais eu sauf celui qui de temps à autre s’installe dans ma tête. Une araignée le matin chagrin ? Pas non plus.

 

J’essaie de t’attraper, mais c’est impossible avec mes gants en caoutchouc. Toi tu essaies de te sauver le mieux que tu peux dans la flotte savonneuse et vinaigrée. Mais oui, par-dessus le marché, il y a en plus du vinaigre à cause de ma chasse au calcaire !

 

Tu bouges toujours désespérément. Je regarde de plus près, je ne pense même pas à allumer la lumière alors qu’il fait sombre. Pourtant, je vois bien mais pas assez pour te reconnaître, je ne m’attendais pas à toi, voilà ! Je commence à distinguer de petits points noirs sur ton dos. Ce n’est pas possible, c’est toi ? Il faut enlever mes gants, mince ils collent. La prochaine fois, je prendrais une taille supérieure si d’ici là je ne l’oublie pas. Enfin, j’y arrive. Ma main droite et libre à présent. Mais tu vas dans tous les sens, je n’ose pas t’attraper entre deux doigts de peur de t’écraser. Il me faut du papier glacé  pour que tu puisses aller dessus. Tiens le dépliant du restaurant indien va faire l’affaire !   

 

Je pense au Dalaï-Lama, je crois que c’est lui qui a dit : celui qui sauve une vie sauve le monde. Je n’ai pas la prétention de vouloir sauver le monde, non c’est toi seulement que je veux sauver en ce moment et toi en particulier parce que tu es mon insecte privilégié, tu me rends heureuse quand je te rencontre dans le jardin, tu n’es jamais tout à fait la même ni tout à fait une autre – comme celle de Verlaine… Tu es ma préférence à moi et mignonne par-dessus tout !

 

Te voilà sur la pub indienne. Je prends le papier doucement avec les deux mains, il faut que je le tienne horizontalement pour que tu ne glisses pas, c’est difficile quand le cœur bat la chamade. J’arrive à mettre la pub à plat sur la main gauche, celle qui est encore gantée. Tu coures, j’avance ma main droite pour te freiner, c’a y est, tu cherches la chaleur de mon index, te voilà sauvée !

 

Dernière étape, te mettre dehors. J’ouvre la fenêtre pour ensuite te poser sur une feuille de lierre qui pousse sur la façade. Mais toi, tu ne veux pas, t’aimes bien la chaleur de ma main, je le sais, tu me fais ce coup à chaque fois ! Pour te dire la vérité, j’aime bien aussi te voir sur ma main…

 

Tu t’obstines, quand tu es au bout de mon doigt, tu retournes vite fait vers la paume de ma main. Le lierre ne t’intéresse pas aujourd’hui. Alors, je vise le bord de la fenêtre. C’est une vraie bataille que tu me livres là ! Ne t’inquiète pas, nous serons gagnantes toutes les deux. Mais patatras, tu glisses de la feuille de lierre que j’ai dirigée vers toi et tu tombes ! Je sors en courant pour te retrouver enfin par terre grimpant gaiement sur les feuilles qui ont pris les couleurs de l’automne. Quel soulagement et bonne journée à toi, ma petite coccinelle, reviens quand tu veux mais évite l’évier.