L'Étonnement

Trois coccinelles se rencontrent dans un jardin, elles bavardent :

- Savez-vous ce qui est le plus important dans la vie ?

- Évidemment, c'est avoir ce qu'il faut pour vivre, pas vrai ?

- C'est juste, mais ce n'est pas tout

- Je suis d'accord, il faut quelque chose en plus

- Du boulot pour les chômeurs

- Mais ça va dans la catégorie des nécessités pour vivre !

- Je te vois venir, t'es encore en train de philosopher, hein ?

- Écoutez, il y a des questions que l'on doit se poser

- Mais oui, tu veux savoir pourquoi nous vivons

- Exact, vous ne trouvez pas bizarre d'être là, sur terre, sans savoir pourquoi ?

- Bof, tant que j'ai à manger et mon jardin, je ne me pose pas de question

- En tout cas, il n'est pas facile de répondre à une telle question

- On peut déjà poser la question élémentaire

- J'espère que le cher Watson saura apprécier...

- Très drôle, mais savez-vous qu'un vieux philosophe grec pensait que la philosophie était née grâce à l'étonnement ?

- Tu m'étonnes !

- Combien y a-t-il encore de gens qui savent s'étonner ?

- Les enfants le savent naturellement mais il y en a de moins en moins lorsqu'ils sont devenus adultes

- Parce qu'ils prennent leurs habitude pour quelque chose de normal et c'est tout

- Comme le président normal ?

- Mais non, je vais te dire, les enfants et les philosophes ont une chose en commun

- Et quoi donc ?

- Eh bien, l'un comme l'autre savent encore s'étonner,

- Donc, si je comprends bien, soit il faut rester toujours un enfant, soit il faut devenir philosophe

- Le plus drôle dans cette histoire est qu'une fois commencé à se poser des questions, tu n'arrêtes plus

- La vie devient un grand étonnement, fini la belle au bois dormant

- On n'a même pas besoin de faire de grandes études

- Mais qui va répondre à toutes ces questions ?

Et le hérisson s'en mêle :

Vous, en tout cas, vous n'arrêtez pas à m'étonner, on aura tout entendu – la philosophie coccinellesque ! Mais tout bien réfléchi, vous n'avez pas tort, les humains se plaisent dans leur confort, ils n'ont pas le temps de s'étonner et beaucoup trouvent que le monde n'a rien d'extraordinaire.

Et les coccinelles répondent en chœur :

Un grand homme a dit que « Celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise, est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints ». Mais nous, aveugles, pensons que l'on n'a pas vraiment besoin de ses yeux pour voir clair !